samedi 29 mars 2014

9/ La mort d'une mère

p. 87 Même morte, une mère n’en finit pas de mourir. Je devrais dire la mort de notre mère, puisque nous étions quatre enfants encore à subir son départ. Certains mots, maintes fois prononcés, deviennent exsangues et insensés. De quel départ s’agit-il puisqu’elle sera privée de tout voyage futur ? Elle aurait voulu secrètement retourner au Maroc, se pencher et déposer une pierre blanche sur la tombe de sa mère, effacer la contrariété et la fatigue qui l’ont dissuadée de se rendre à ses obsèques. 




Maman lors d'un voyage au Maroc


p. 88  Son visage fut lentement saisi par un ton de pierre. La bouche s’est tue. Le sang a reflué dérobant sa couleur et les mots absorbés se sont déliés en silence ainsi que les réponses aux questions que je n’ai pas su poser à temps. Mais il n’aurait pas suffi d’exiger des réponses pour qu’elle puisse les penser et s’en délivrer un jour. J’aurais dû l’aider à formuler l’indicible de Drancy, le silence tumultueux de sa liaison avec l’oncle et l’arrachement douloureux à sa terre natale.



L'oncle Joseph en Narcisse



Je n'ai pas compris de suite ce qui m'avait poussé à faire allusion à Narcisse quand j'ai titré la photo de l'oncle Joseph. Le lendemain, je me suis rendu au musée des Beaux-Arts de Lyon et j'ai redécouvert une peinture de François Lemoyne. Elle représente Narcisse penché sur son image qui se soutient  avec un bâton tel un peintre sur son appuie-main. Mon oncle semble gratter la terre pour y retrouver le portrait de ma mère souriante.
Selon une autre version du mythe de Narcisse rapportée par Pausanias, Narcisse avait une sœur jumelle dont il tomba éperdument amoureux ; quand la jeune fille mourut, il se rendit tous les jours près d'une source pour y retrouver son image en se regardant lui-même dans l'eau limpide. 
Cette version a ma préférence.











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