mardi 18 mars 2014

5/ L'armée

p. 55 J’eus la chance de ne pas partir en Algérie et j’évitai ainsi de perpétrer des actes qui m’auraient détruit. Je fis mes classes à Montélimar sous un soleil à faire fondre le nougat, et l’on m’attribua des brodequins trop petits qui me laissaient les pieds en sang après de longues marches. 
Nous passions beaucoup de temps à des activités occupationnelles. Par exemple gratter la peinture de tabourets métalliques qui venaient d’être peints pour les repeindre à nouveau. 
Les manœuvres harassantes, les dimanches interminables à regarder la télévision en se gavant de Cacolac, les bals pour militaires dans des locaux préfabriqués où nous devions rester en tenue, les nuits de garde interminables devant un brasero pour se réchauffer, mirent fin à mes envies de faire rire les autres. 


En arrivant à Laval, j’appris à taper à la machine et devins secrétaire d’un capitaine aussi raide que ses chemises amidonnées. Il devait son grade au fait d’avoir rejoint tardivement les rangs de la Résistance. Sa mâchoire de chien compensait un front minuscule. On me nomma caporal-chef car je savais comme mon prédécesseur, dont la féminité plaisait à l’officier, taper le C majuscule de Capitaine en frappant deux fois de suite la touche de la parenthèse, avec des tirets au sommet et à la base des parenthèses en débrayant le rouleau de la machine à écrire. La Nation pouvait dormir tranquille.

Nous n'avions pas le droit de sortir en civil à Laval. Chacun de nous avait de quoi se changer au fond de son sac. Parfois nous faisions une drôle de fête entre garçons dans la chambrée de 33 lits.
Nous avions soulevé de terre celui que nous appelions "l'idiot" à cause de son fort accent paysan. Ma main l'agrippe à plein mollet.


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire