P. 95 D’ordinaire, la beauté s’étale dans les magazines, sur les panneaux des villes ou bien encore dans les musées. Elle se compile en fragments, et par de savants Meccano offre l’illusion de la perfection. Moi, j’étais bouleversé par la beauté ordinaire des femmes sans fard, éclairées par une fenêtre banale. Nous partagions cette lumière commune que je pouvais moduler à l’aide d’un rideau ou selon les caprices des nuages. Cette beauté me touchait aux larmes. Lorsque je révélais des clichés, à peine éclairés par une lumière rouge, ces noyées réapparues à la surface du bain m’offraient un dialogue silencieux qu’aucune intimité secrète n’aurait pu égaler.
Sa conscience respire
Les sanglots restent en bordure
Elle souffle un peu, elle souffle encore
Elle fait son sac
Elle y met des mots
Elle y met son ventre futur
Elle dilate son ombilic et met à nu
Ce qui lui reste de cordon
Elle y met son âme
Qu'éclate la première épingle venue
Que la moindre pointe pique au sang
Elle ravaude les trous de mémoire
Un dé au doigt.
Safietou et sa soeur Khady Khady |
Rachel, la compagne du peintre Roger Eskenazi |
dans le film de Tarkovski |
Deux plasticiennes |
Peggy Dautel, comédienne |
La mère en figure de proue. La fille embarquée, en route vers
les fardeaux du passé.
C'est décidé, je vais t'emmener chez moi. A dos d'homme. Je trouverai d'autres vêtements, jamais assez beaux pour toi et tu n'auras pas froid. Le soir venu tu te coucheras près de moi. Ma chaleur deviendra tienne et nous dormirons les yeux grand ouverts en regardant sur les murs l'ombre des rideaux dessinée par la lumière des lampadaires. Le matin à mon réveil tu auras déjà les yeux sur moi. Tu auras veillé sur ma nuit, immobile et silencieuse, les paupières cousues aux arcades sourcilières.
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