dimanche 25 mai 2014

14/ Danse butô

p. 104 Je vis danser Miyuki pour la première fois à la sortie de l’hiver. J’étais arrivé en avance pour voir son spectacle de danse Butô à Montreuil. Une porte métallique ouvrait sur une impressionnante enfilade de locaux vétustes, des anciens ateliers convertis en salle de répétition, activités associatives et dépotoirs de meubles divers. Cette traversée de locaux débouchait sur une petite cour encombrée de matériaux tels que bois, tuyaux, verres cassés, bâches de plastique noir, d’où se dressait un vieil escalier de bois planté dans une végétation sauvage. Je n’ai pas aperçu d’emblée au pied de l’escalier un corps nu, frêle et accroupi. C’était elle qui se concentrait avant sa danse sous une pluie froide. J’eus le sentiment que tout se jouait là. Que le spectacle ne pourrait dépasser l’intensité de cette vision. 






p. 105 Quelques instants après, les spectateurs furent invités à gravir l’escalier qui donnait accès à une salle au vieux plancher de bois. Des bancs artisanaux ceinturaient le lieu plongé dans la pénombre de la grisaille du temps. Je me suis assis. J’avais froid. Elle est apparue dans l’embrasure de la porte. Elle fit lentement quelques pas pour s’approcher du centre de la pièce sans que l’on s’aperçoive de son déplacement. Debout, les avant-bras légèrement relevés, elle se mit à moduler ses tremblements. Son visage restait immobile, sans battements de paupières. Pendant près d’une heure, elle offrit aux regards des spectateurs saisis par le froid, l’image d’une statue incarnée. Seuls ses avant-bras s’étaient abaissés.



p. 106 En haut de l’escalier de lourdes feuilles d’un arbuste traversaient la rambarde. Elle s’est mise à les sentir, à les ressentir. Elle y engagea le visage comme un chat jouerait de son museau. Elle leur sourit. 



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