mardi 18 mars 2014

6/ L'homme invisible

p. 57 Je me croyais naturellement protégé par le fantasme de ma non présence. J’ai poussé encore plus loin ma tentative incongrue de dissolution en me persuadant qu’en deçà de mes orbites où se logeait mon regard, n’existait aucune matérialité. Tout ce qui pouvait me complexer physiquement disparaissait. J’étais enfin transparent. Souvent habillé en noir et gris, je croyais en ma totale neutralité. Il fallait que ce qui me regarde ne vienne pas du regard des autres. Si une femme m’adressait un compliment portant sur mon physique, il s’ensuivait un malaise profond. Qu’elle ne dise rien qui puisse me réincarner me semblait la meilleure attitude à adopter. 


Depuis quelques années j’ai retrouvé une certaine neutralité de mon image quand je masse. La personne est allongée, les yeux fermés et j’essaie d’être le plus silencieux possible. Je disparais derrière mes mains comme un manipulateur de marionnettes dans le théâtre japonais Bunraku. 

Marionnette de Bunraku





 
p. 59 Je trouvais les filles et les garçons de la bourgeoisie lyonnaise très élégants, oblongs, les hanches étroites. Moi, petit, je me comparais aux personnages sculptés sur les chapiteaux romans et écrasés entre les voûtes et les colonnes. Ils ne manquaient pas de grandeur à éprouver leur envergure sans jamais la déployer. 

A gauche : Détail d'un chapiteau à Souvigny (Allier)
A droite : Une peinture que j'avais titrée : Christ Lapin




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